Calme, en avant, droit

Précepte du général L’Hotte. Que vient faire une doctrine militaire du dix-neuvième siècle dans ma culture ? Alexis L’Hotte fut écuyer en chef du Cadre noir. C’est donc une doctrine de l’équitation de tradition française. J’ai pratiqué l’équitation pendant de nombreuses années et certaines des choses que j’ai apprises pour passer les examens, à l’époque étrier et éperon de bronze, me sont restées gravées à tout jamais dans le crâne.

 

Nous avons terminé la première période scolaire.

Avec la mise à l’écart de deux des élèves de ma sixième binz, j’ai pu commencer une reprise en main de la classe, qui s’était emballée, partie mors aux dents à la course aux conneries. Oh… des bêtises de mômes. Mais à onze ans, et même à vingt élèves, déjà capables de te pourrir une heure de cours. On a beau dire, mais le plus fort d’entre nous ne pourra jamais rien contre un groupe d’élèves.

Rien dans l’immédiat. Mais dans la durée, il faut lutter.

Expliquer à E. pourquoi il a un mot pour signaler son insolence. Lui apprendre la différence entre insolence et insulte. Bien sûr que non, je n’ai jamais cru qu’il voulait m’insulter et bien sûr que oui, je suis sûre que son insolence n’est pas volontaire. Mais voilà, il faut faire avec la façon dont nos réactions sont reçues par les autres. Ce n’est peut-être pas ta volonté, E., mais quand tu râles, quand tu ranges ton classeur, quand tu tournes le dos, quand tu réponds, je trouve ça agressif. A toi de me montrer que tu es capable d’efforts.

Répondre à T. qui s’exclame « on n’a même plus le droit de parler à ses amis » que non, il n’a pas le droit de parler en classe, qu’il y a la récréation et le temps du midi pour ça et que là, dans ma classe, il va se conformer à mes règles : se taire et se mettre au travail. Que non, il n’a pas le droit de ne pas écrire les réponses au travail mental parce qu’il est vexé et qu’il fait la tête. Que non, je ne le crois pas quand il dit qu’il ne savait rien pour cette séance.

Dire à M. qu’elle doit faire des efforts, arrêter de siffler, de râler, de chercher à attirer l’attention des autres, essayer vraiment parce que là, je ne sais pas faire la différence entre les moments où elle ne veut pas et ceux où elle ne sait pas. Préciser que j’aimerais aussi lui dire des choses positives. Répondre à sa question « qu’est-ce que ça veut dire ? ». Lui dire que non, son frère n’avait pas d’observations en sixième, et que je ne juge pas s’il est mieux ou moins bien qu’elle mais que c’est dommage qu’elle ait une idée fausse.

Expliquer à E. que ce n’est pas grand-chose de rire des bêtises de M., mais qu’il ne doit pas se le permettre parce que sinon jamais elle ne se calmera et qu’ils ne pourront pas travailler. Alors que lui, il veut pouvoir travailler.

Faire des compliments à R. parce qu’il ne suit jamais les bêtises des autres, remarquer ses difficultés et apprécier les efforts qu’il fait parce que c’est quand même exceptionnel d’être à contre-courant des autres à ce point, et que l’exception vaut d’être relevée.

Passer des heures et des heures à faire les rappels à l’ordre, aux uns et aux autres.

Tiens-toi bien. Mieux s’il te plait. Tais-toi. Tu es prêt ? Est-ce que tu suis ? Retourne-toi. Arrête de siffler. Pose le scotch. En silence. Sors ton carnet sur la table. Lève la main pour répondre. Dans ta tête. Réfléchissez. Baissez les mains. Tout le monde a sa feuille ? Dans le calme. Reste assis. Demande l’autorisation pour te lever. Applique-toi.

Et les rappels à l’ordre silencieux. Aller ranger un rouleau de scotch. S’approcher pour calmer. Observer pour faire taire. S’assoir sur une table pour que tout le monde baisse d’un ton. Attendre pour avoir le silence complet.

Calme.

C’est à la rentrée, après ces premières vacances, que l’on verra si tout ce travail a été payant. Pour avancer.

En avant.

Oublier tous leurs travers et se concentrer sur le programmes, sur les notions à faire passer, sur les travaux qui leur plairont, parce que ce ne sont que des enfants et que quand on dit « problème », ils feignent de ne pas aimer cela, mais en réalité ils adorent trouver la solution, parce qu’utiliser l’ordinateur pour faire des figures, ils trouvent toujours cela formidables, parce que le travail mental, ils se prennent au jeu d’avoir le meilleur score, parce qu’utiliser du papier transparent pour la symétrie, c’est comme une récréation pour eux, parce qu’en faisant les dessins géométriques, ils se prennent pour des artistes, parce que quand on va « programmer » avec scratch, ils vont forcément en redemander…

Droit vers le but.

 

En attendant, c’est relâche. Surtout pour eux, je ne suis pas adepte des devoirs pendant les vacances.

Pour moi, il y a de quoi faire si je veux à la rentrée rester calme, c’est maintenant que ça se prépare. Il faut absolument que je m’avance dans mes préparations de cours. J’ai commencé par le plus dur, la géométrie dans l’espace pour les troisièmes, ce qui me demandera le plus de temps, indéniablement. En avant, ne pas céder à la tentation de ne rien faire, quelle volonté il faut pour s’y mettre chez soi ! Droit, ne pas bifurquer dans tous les sens, ne pas céder à la tentation de croire que l’on peut mieux faire et perdre des heures à chercher comment améliorer la chose…

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