Merci qui ?

Parfois, quand on était petites, mon père s’énervait devant notre manque de gratitude, à ma sœur et à moi, quand il fallait nous arracher un « merci » après nous avoir servi, à table, par exemple. Il ajoutait alors soit « merci mon chien », soit ce fameux « merci qui ? », comme s’il s’attendait à nous entendre préciser « merci papa » ou « merci maman ». Ce qui faisait d’ailleurs râler ma mère, qui craignant certainement que l’on ne prenne au pied de la lettre, qu’on le trouve alors autoritaire, si nous n’avions pas été capables de détecter chez lui le second degré et la provocation. Mais bien sûr, nous avons appris très tôt à le repérer, ce second degré, à comprendre l’humour noir et à manier l’ironie et le cynisme.

Je parle de chien parce que je m’apprête à donner mon avis sur Mon chien Stupide de John Fante. Stupide, c’est le nom qui est donné au chien. Dans un centre équestre que je fréquentais dans mon jeune temps, il y avait un chien que ses propriétaires avaient eu l’idée bizarre d’appeler Ouste. Bien sûr, ça donnait lieu à des scènes cocasses quand on entendait soit « Ouste, viens ici », parce que celui-ci collait de trop près quelqu’un qui n’arrivait pas à s’en débarrasser tout seul. Mais comme c’était effectivement un chien qui collait aux basques de tout le monde, on entendait bien plus souvent « Ouste, dégage » : ceci explique cela.

Allez, j’en viens au livre de John Fante : Mon chien Stupide.

Mon chien stupide par Fante

J’avais trouvé beaucoup d’humour à cet auteur à la lecture de Pleins de vie et bien plus. Il propose là aussi un roman satirique. Henry Molise, le personnage principal et narrateur, nous irrite d’abord quelque peu avec ce côté un peu fainéant, un peu macho, un peu facilement vulgaire aussi, patriarche qui veut se croire honorable mais qui ne l’est pas.

Stupide, le chien – c’est son nom – est un peu un élément déclencheur. Disons qu’il provoque chez Henry Molise une prise de conscience.
Sa femme, son fils, sa fille, dans un réflexe primaire, voudraient se débarrasser du chien. Henry, lui, veut au contraire le garder. D’abord, ce chien lui rappelle un autre chien auquel il tenait beaucoup bien des années avant. Ce nouveau chien le renvoie probablement à se jeunesse et déclenche en lui une introspection, forcément douloureuse, vu le personnage, mais aussi assez drôle ; pour nous tout au moins.

Henry se montre d’abord à nous un peu autoritaire, allons jusqu’à dire somme toute assez con. Mais le peu d’attention que ses enfants prêtent à ses emportements nous laisse entrevoir des relations un peu plus complexes que celles que l’on supposait au premier abord.
Et en effet, le narrateur se révèle être un looser touchant et attachant. Il voit ses enfants partir un à un, se retrouve face à lui-même.

C’est un livre intimiste et drôle.
Fante a une vraie vision de la société, un regard finalement très moderne derrière un a priori plutôt arriéré.
Un vrai plaisir à lire.
Au suivant !

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