My absolute darling de Gabriel Tallent

L’amour, c’est fou

Combien de gamins vivent coupés de la société ordinaire, comme ce jeune britannique qui s’est manifesté il y a peu alors qu’il était recherché depuis petit ? Je suis effarée qu’on ait régulièrement des gamins absentéistes au collège, des enfants de moins de quinze ans qui passent des semaines entières sans qu’on les voit. Que font-ils de leurs journées ? Que leur arrive-t-il ? S’il leur arrive quelque chose qui s’en apercevra ? La plupart sont peut-être juste chez eux et il ne faut pas imaginer le pire. Mais certains mômes sont enrôlés dans des groupes sectaires ou extrémistes et n’auront pas l’occasion d’avoir un autre son de cloche. L’actualité nous rappelle régulièrement que la réalité peut être pire que la fiction.

Mon avis sur My absolute darling de Gabriel Tallent :

Voilà bien un livre qui m’a entièrement occupée le temps de le lire. Totalement.

Turtle est une jeune fille sauvage, vulgaire, violente ou pas, cela reste à déterminer mais elle utilise des armes. Elle est sous l’emprise de son père, violent et incestueux. On entre dans ce livre comme dans un marécage de littérature d’épouvante : on y est dans une atmosphère glauque et poisse et on sait que l’on va croiser des monstres.

Tout m’a paru se tenir dans ce roman. Turtle est intelligente et éduquée, comme un singe savant, à quelques tours qui consistent ici à utiliser des armes, à lire des livres aussi ; mais elle est bête car elle manque d’éducation générale, elle est incapable d’apprendre des notions scolaires simples car elle vit dans la terreur de ce père qui lui fait perdre ses moyens quand elle fait ses devoirs avec lui. Elle est vulgaire et s’humilie car elle a associé cela à l’amour parental nécessaire à sa survie. Elle est incapable d’exprimer des sentiments de manière intelligible car on ne lui a pas appris à le faire.

C’est mon analyse, peut-être complètement fausse, mais je peux me permettre cette interprétation qui ne gâchera rien à la lecture car c’est un livre d’ambiance, finalement très intimiste.

Et c’est une intimité à laquelle on aimerait échapper, qu’on préférerait ignorer. J’ai trouvé très bien vus de nombreux passages : la répétition du début, le père qui interpelle Turtle par les mêmes mots, l’œuf gobé… cette scène a fait écho pour moi à un témoignage dans le documentaire Bouche cousue sur les violences subies par les enfants. Une jeune femme raconte quand elle était enfant, puis adolescente le rituel du retour de son père après sa journée de travail. On y retrouve les mêmes obsessions, des gestes ou des paroles identiques un jour après l’autre. Même ressenti pour moi à la lecture des passages du livre et à l’écoute du témoignage de cette jeune femme.

Pour moi ce livre pourrait faire partie des œuvres utiles à combattre le déni de l’inceste. Celui-ci est d’ailleurs clairement dénoncé à plusieurs reprises dans l’histoire.

Alors oui on peut « regretter » des longueurs à ce livre, mais c’est sûrement long toute une vie à subir des violences même quand on a une quinzaine d’années seulement.

On peut déplorer une fin un peu rocambolesque mais comment se sortir de cette histoire ? Fallait-il seulement laisser le désespoir à la fin ?

C’est parce que je n’ai pas aimé lire ce livre que je lui mets un avis positif, car je pense qu’il a atteint son but avec talent.

2 réflexions sur “My absolute darling de Gabriel Tallent

  1. C’est une analyse fort pertinente qui me touche beaucoup parce qu’elle met des mots sur mes ressentis et mes malaises face à cette relation perverse.
    Merci pour cette lecture éclairante, et rare.

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