Tous immortels de Paul Pavlowitch

Immortaliser

« Je ne t’ai jamais dit
Mais nous sommes immortels. »

Ce sont les paroles écrites par Dominique A qui me viennent d’abord à l’esprit au mot immortel. Chanson poétique, très belle. C’est drôle comme je peux être hermétique à la poésie sous forme de poème et sensible à la poésie sous forme de chanson. Il doit s’agir là d’un manque de talent de ma part quant à l’interprétation du poème. Et un manque de persévérance à acquérir ce talent.
Immortels a été confiée à Alain Bashung mais il ne s’en est pas emparé de suite, c’est pourquoi Dominique A l’a aussi chantée lui-même. Étant la première version que j’ai connue, celle de Dominique A, c’est celle que je préfère alors que par ailleurs j’aime beaucoup le style, le phrasé, la nasalité d’Alain Bashung.

Et donc certains sont quand même plus immortels que d’autres parmi les morts. Qui se souvient du poème écrit par Sylvère à l’attention de Gisèle, celui qu’il lui a bravement récité dans un coin de la clairière, ignorant être entendu et moqué comme de bien entendu par Viviane et Morgane cachées derrière les arbres ? Personne passé une génération – les enfants ne l’ont pas raconté à leur tour cette histoire, ils aimaient bien Sylvère plus que Viviane et Morgane. De nos jours, il y aurait une réflexion à avoir là dessus, n’importe quel idiot, n’importe quelle idiote, j’en veux pour preuve…, peut laisser une trace indélébile de ses élucubrations débiles.

Mais revenons à nos immortels qui en valaient la peine. Parce que oui on peut écrire, mais il faut quelqu’un pour nous lire. Mano solo chantait « Je serai toujours vivant dans votre monde à la con tant que quelqu’un écoutera ma voix. » dans Je suis venu vous voir. Alors on peut réfléchir au titre Tous immortels choisi par Paul Pavlowitch pour parler de Romain Gary/Emile Ajar. Tous immortels tant qu’il en reste un. Une sorte d’héritage au dernier des vivants.

Mon avis sur Tous immortels de Paul Pavlowitch :

Magnifique moment en compagnie de Paul et de ses souvenirs.

Merci à lui de nous livrer ses souvenirs de Romain Gary. Je remercie d’abord encore ici madame S. professeur de français du lycée Galilée de Cergy Saint Christophe de m’avoir fait découvrir Romain et Émile en classe de seconde. J’ai depuis passé beaucoup de temps en ses compagnies.

Paul nous livre un récit qui semble parfois un peu décousu. Il m’a fallu quelques efforts de concentration parfois pour m’y retrouver et savoir quelle année était évoquée. Mais cet effort est finalement tout à fait plaisant : il nous donne un contexte familier d’un moment à écouter pépé ou mémé vagabonder dans ses souvenirs et ses pensées.

Gary y est dévoilé dans toute sa complexité, dans ses zones d’ombre aussi, un peu, le récit reste mesuré et n’est pas tapageur.

Beaucoup de noms évoqués aussi, des vedettes, des gens connus. Oui mais voilà des gens pas toujours connus de moi. Alors cela ajoute à la complexité, l’évocation de ces personnages, parfois très brève. Mais là aussi cela fait partie du charme, car s’il fallait pour chacun donner une biographie, expliquer le pourquoi du comment, le livre serait trop long et deviendrait imbuvable. Donc là encore je pense que Paul a fait le bon choix. Et j’irai sûrement me renseigner sur certains, certaines, à l’occasion.

Jean Seberg apparaît aussi avec ses contradictions, ses faiblesses, ses blessures. J’ai aimé les dialogues, je suppose approximatifs, mais qui donnent vie et épaisseurs aux personnages j’allais dire, aux personnes donc. On apprend aussi les coulisses de l’affaire Ajar. Et puis Gary finit par se désincarner au fil des pages de sa vie jusqu’au final inéluctable. Il y a une mise en perspective intéressante de ses livres, mais sur ce point je ne pense pas avoir appris beaucoup, ayant plusieurs fois fait le voyage gariesque complet, la dernière fois de terminus à terminus.

Ma vraie, belle découverte ici, c’est Paul Pawlovitch. Et dire que cet homme a écrit des romans que je n’ai pas lu… On le découvre lui aussi dans toute sa complexité, homme capable de se regarder et de se juger à côté de la plaque parfois, capable d’admettre ses propres contradictions ou ses côtés moins glorieux. Paul Pavlowitch un homme tolérant et empathique, atypique aussi, qui se dévoile presque entièrement, avec pudeur. Il parle d’Annie sa femme, il évoque ses filles et Boris leur ami. Un article sur Tous immortels parle de Boris comme l’amant d’Annie. Paul ne le dit pas ainsi, même s’il le laisse penser, et je m’étais dit que c’était peut-être son amant à lui. Ou à lui aussi. Et finalement amant de corps pour lui, ou pour elle, amant de cœur pour les deux assurément. De toute façon on voit bien avec ce livre qu’on peut prendre corps au détour d’un récit, ce qui est bienheureux car la vie se charge de nous faire perdre corps.

Alors Tous immortels et tous les autres, ils ont charge d’âme.

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