Du sang, du sexe et de la sueur

Dans la première saison de Spartacus, la première que j’ai vu, Les Dieux de l’arène (en réalité, c’est une préquelle) : des combats de gladiateurs avec des plans soignés et des ralentis qui se veulent artistiques. Entre les combats, des intrigues se mettent en place, accompagnées de dialogues à la qualité douteuse, voire très médiocre et du sexe, souvent brutal, plutôt explicite, sans que les images ne soient pornographiques, mais de peu.

Je crois qu’à l’issue de cette première salve, j’étais plus intriguée que conquise, mais suffisamment intéressée pour regarder la suite.

La suite a consisté pour moi à regarder la première saison, Le sang des gladiateurs, tournée avant la préquelle, avec Andy Whitfield dans le rôle titre, acteur au fort pouvoir magnétique. Puisque tournée en premier, je qualifierais cette saison comme la préquelle.

Après cette première saison, l’acteur principal Andy Whitfield s’est vu diagnostiquer une très grave maladie, qui a retardé le tournage de la saison 2. C’est pour cela qu’une préquelle a été tournée, pour attendre le rétablissement d’Andy. Malheureusement, celui-ci a vu son état s’aggraver. Son rôle est repris pour la suite par Liam McIntyre tandis qu’Andy Whitfield décède de sa maladie.

Le visionnage de la deuxième saison se voit donc quelque peu bousculé par ce nouvel acteur pour un personnage auquel on s’est déjà fortement attaché, je dois dire que c’est d’abord un peu choquant, mais on s’y fait. Et puis il y a aussi tous les autres personnages que l’on retrouve avec un plaisir certain. Mais surtout, la qualité augmente. Les dialogues sont meilleurs et les ralentis qui frisaient parfois le ridicule participent finalement à un esthétisme qui marque la série. Les effusions de sang sont tout particulièrement mises en scène : éclaboussures, giclements, coulées, contrastes…

Arrive déjà la troisième et dernière saison, La guerre des damnés et l’on est triste que cela se termine si vite, car on ne s’étonne plus qu’ils tiennent encore debout avec tout ce qu’ils se prennent sur la gueule. Le final est spectaculaire, comme il se doit.

Au cours des saisons, Spartacus s’est révélé être un très beau héros et l’intrigue politique se montre plus complexe que ne le laissait craindre le début.

C’est une très belle série, qui gagne à être connue et qui est assez proche du livre d’Howard Fast, dont elle reprend le début grandiose, mais à la fin…

Spartacus par Fast

Mon intérêt pour le livre Spartacus a donc été éveillé par la série du même nom.

Spartacus, d’Howard Fast, aux éditions J’ai lu, est un livre à la couverture rouge que j’ai récupéré chez mes parents. Vieux livre donc, qui a trôné pendant des dizaines d’années, bien visible, sur les étagères du petit couloir après le bureau et qui a donc longtemps côtoyé poussière et humidité. Son état en témoigne maintenant par son odeur – cette odeur si caractéristique de certains vieux papiers – et par une rigidité bruyante des pages.

Vous vous dites peut-être que je brode sur la forme pour retarder le moment de parler du fond. Mais j’y viens. Howard Fast a nommé son livre Spartacus mais il le met très peu en scène. On lit surtout les dialogues ou les réflexions de romains qui ont croisé Spartacus, de près ou de loin. L’action étant le plus souvent indirecte, le rythme est lent et inégal. J’ai l’impression que c’est parce que j’étais restée imprégnée des images de la série que j’ai lu ce livre avec plaisir.

Par contre, Howard Fast propose une vision politique et sociétale intéressante et très à propos encore aujourd’hui.

« – […] Tu comprends, nous vivons en république. Cela signifie qu’il existe un grand nombre de gens qui n’ont rien et une poignée d’autres qui ont beaucoup. Et ceux qui possèdent beaucoup doivent être défendus et protégés par ceux qui n’ont rien. […]

– […] Mais tu oublies simplement la question-clef : les hommes sont-ils vraiment tous semblables ? C’est par là que pèche ton petit discours. Tu considères comme acquis que tous les hommes se ressemblent comme les pois dans une cosse. Je ne suis pas de cet avis. Il existe une élite, un groupe d’hommes supérieurs. Peu importe si ce sont les dieux ou les circonstances qui les ont faits ainsi. Mais ce sont des hommes capables de gouverner, aussi gouvernent-ils. Et comme les autres ne sont que du bétail, ils se conduisent comme du bétail. Tu comprends, tu présentes une thèse ; la difficulté est de la justifier. Tu proposes un tableau de la société, mais si la vérité était aussi illogique que cette image, tout l’édifice s’écroulerait en un jour. Ce que tu n’expliques pas, c’est ce qui maintient en place cet absurde assemblage.

– […] Tu m’as demandé ce que c’est qu’un politicien. Eh bien, c’est le ciment de cet édifice insensé. […] Nous rationnalisons l’irrationnel. Nous persuadons les gens que le suprême but de la vie c’est de mourir pour les riches. Nous persuadons les riches de sacrifier une partie de leur fortune pour en sauver le reste. Nous sommes des magiciens. Nous créons une illusion, et cette illusion est solide. Nous disons aux gens : vous êtes le pouvoir. Vos voix donnent à Rome sa force et sa gloire. Vous êtes le seul peuple libre au monde. Il n’est rien de plus précieux que votre liberté, rien de plus admirable que votre civilisation. Et c’est vous qui contrôlez tout cela ; vous êtes le pouvoir. Alors ils votent pour nos candidats. Ils pleurent quand nous sommes battus. Ils partagent notre allégresse quand nous triomphons. Et ils se sentent fiers et supérieurs parce qu’ils ne sont pas des esclaves. […] Ils ne sont que de la vile tourbe, mais chaque fois qu’ils voient un esclave, leur moi se gonfle et ils se sentent tout pleins d’orgueil et de puissance. Ils savent qu’ils sont citoyens romains et que le monde entier les envie. Et c’est cela mon talent, Cicero. Ne minimise jamais l’importance de la politique. »

Je suis contente d’avoir lu ce livre, que la série m’a donné envie de découvrir et qui m’a lui-même donné envie de revoir la série…

 

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